On dit toujours : écrivez le bouquin que vous avez envie de lire. Alors voilà : L’orgue d’Éros, c’est le bouquin que j’aurais aimé lire quand j’étais jeune. Un mélange de science fiction, de fantastique et de romance gay, avec des personnages ostensiblement pédés, dans un univers où l’homosexualité est banale, le tout saupoudré d’un peu de porno.
(Pourquoi du porno ? Parce que dans un monde hétérocentré comme le nôtre, je trouve utile d’appeler un chat un chat et de ne pas éluder, contrairement à ce qu’on voit dans la plupart des films, ce qui se passe dans l’intimité des couples de même sexe. Même si j’ai bien conscience que ça réserve de fait ces textes à un certain public.)
Le point de départ de ces douze nouvelles est souvent une simple rêverie. Qu’est-ce qui se passerait si ? Et si la musique procurait un plaisir de même nature que le sexe ? Et si la magie permettait de doper ses capacités sexuelles ? Et si l’énergie sexuelle pouvait être captée pour alimenter des machines ? Et si les sex toys devenaient intelligents ? (Oui, celle-là pour le coup, avec les progrès de l’IA, je pense que ça ne va pas tarder à devenir une réalité !) J’avais dans l’idée d’écrire une collection de textes très courts, amusants, légers, un peu fantastiques ou surnaturels, le genre de chose qui dépayse et fait rêvasser. Mais il arrive que les personnages aient beaucoup plus de choses à dire que ce qu’imaginait leur créateur. Et franchement, qui suis-je pour couper le sifflet à l’un de mes personnages s’il lui vient l’envie de raconter sa vie ? Certains ont été très bavards et les textes très courts ont pris de l’embonpoint…
Je crois que comme bon nombre de gays de ma génération, je suis autrefois tombé dans le piège des personnages dépressifs et torturés. (Bon, d’accord, pas autant que Patrice Chéreau.) C’est même le sujet exclusif de Zones d’ombre ! Ce n’est plus ce qu’on veut. On veut des gays bien dans leur peau, flamboyants, qui s’éclatent. On veut des role models positifs. On veut des Bilal Hassani, pas des Frédéric Mitterrand. Dans ce recueil, à l’exception d’un petit clin d’œil à H.P. Lovecraft forcément sombre, il n’y a que des histoires feel good. Ça n’exclut pas quelques tensions bien sûr, quelques moments de gravité ; et même, je l’espère, un peu de profondeur. On ne fait pas de littérature intéressante avec des personnages lisses et des trains qui arrivent à l’heure.
J’ai fait le choix dès le départ de publier chacune des nouvelles au fur et à mesure de leur écriture. J’aimais bien l’idée d’avoir des retours immédiats. C’est motivant, ça m’encourage à aller jusqu’au bout parce que je sais que des gens attendent la suite et surtout, ça me permet de corriger des choses avant la publication finale. Suite aux retours, certaines nouvelles ont été remaniées (ou sont en cours de remaniement), le titre du recueil a changé, l’ordre des textes aussi… Des choses qui n’auraient pas été possibles si j’avais directement publié une version papier, comme je l’avais fait pour Zones d’ombre. Je ne sais pas encore quelle forme prendra la version finale. Probablement un EPUB gratuit (ou très peu cher) et une version papier à prix coûtant (ou presque) pour les bibliophiles qui aiment alourdir leurs étagères avec de nouveaux volumes.
Quant à la mystérieuse épigraphe : il s’agit d’une citation d’un médecin du XVIe siècle, qui explique l’existence du plaisir sexuel par le fait que si le sexe n’était pas agréable, on ne le pratiquerait pas et l’espèce humaine s’éteindrait. Ça m’a paru une théorie intéressante en prélude à un bouquin où pas une seule fois les personnages n’ont l’idée, même de loin, de faire du sexe dans un but reproductif !